mériteraient de danser dans les patios du ciel.
Les danseurs de tango
dansent pour que la nuit et la ville
reposent des furies de la journée,
ils dansent pour que soit oublié la mort
et tant d'autres ombres qui assombrissent l'air,
ils dansent pour que les peines, pour un instant,
cessent de pleuvoir sur le visage des solitaires,
ils dansent pour que dans l'écume et la houle de leurs pas
il y ait quelque chose de la mer dont nous rêvons toujours.
ils dansent parce que danser est la porte d'entrée aux patios du ciel.
Mais qui sont les danseurs de tango ?
Des fantasmes qui flottent au ras du sol ?
Des chanteurs qui gesticulent avec leurs pieds ?
Des feuilles d'un automne bleu jouant avec le vent ?
Des inventeurs de labyrinthes avec leurs chaussures lustrées par la pommade de l'enfer ?
Ou sont-ils ceux qui polissent les dalles et les laissent
comme des miroirs pour que la lune se peigne
et que les chiens deviennent fous ?
Les danseurs de tango
mériteraient de danser dans les patios du ciel.
J'ai vu des vagabonds
s'arrêter et réchauffer la distance,
en les voyant danser.
J'ai vu chez les amants le désir
de se brûler avec cet autre feu,
en les voyant danser.
J'ai vu des poètes se remplir d'éclats
les yeux et, parfois, le sang,
en les voyant danser.
J'ai vu les fous revenir de l'au-delà
et à la moitié du cri, sourire,
en les voyant danser.
Ca ne m'étonnerait pas
que des oiseaux et des astronautes aient la tête qui tourne
en les voyant danser.
Les danseurs de tango
dansent dans les patios du ciel.
Je les vois maintenant montrer leur art
de stupéfactions et d'éclairs
ensorcelant les anges –créatures invisibles de sang céleste-
qui donneraient leurs ailes
pour apprendre à danser.
Les danseurs de tango
continueront à danser dans les patios du ciel
jusqu'à ce que Dieu, l'absent,
apparaisse d'un coup
et applaudisse.
Eugenio Mandrini
Traduction de Solange Bazely (27/08/2010)
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