mercredi 29 août 2012

Demain ? Delmira Agustini est là.


Demain ? C'est le titre du sixième film de Christine Laurent consacré à la poétesse uruguayenne Delmira Agustini.

Il est sorti ce mercredi 22 août sur les écrans français et c'est à l'ABC - 13 Rue Saint-Bernard à Toulouse (M° Jeanne d'Arc) que je l'ai vu hier soir, avec deux couples d'amis.

Pour voir la bande-annonce, cliquez ici.

 Synopsis :

Delmira Agustini (1886-1914) était une jeune femme de lettre et militante féministe uruguayenne des premières années du XXe siècle, qui connut une fin tragique...

C’est l’histoire d’une jeune fille douée, qui, afin de sortir de sa chrysalide, va devoir surmonter une série d’épreuves. Comme certains contes, celui-là finit mal, c’est un conte cruel de la jeunesse. Delmira Agustini, enfant prodige, révèle ses désirs les plus secrets en écrivant des poèmes. Elle écrit la nuit, par rafales. Elle devient célèbre, mais on veut qu’elle reste une enfant. Il lui faudra attendre le mariage pour faire l’amour. Peu après avoir épousé celui qu’elle aime, elle décide pourtant de divorcer. Elle veut pouvoir écrire quand, et où, elle l’entend. Elle est amoureuse d’un autre homme qui reste lointain…


L'avis de l'ABC :

Il peut sembler étrange de s’intéresser aujourd’hui à une poétesse disparue il y a près d’un siècle, mais le film ne cherche pas à « faire moderne ». Scénariste de Jacques Rivette (dont la belle noiseuse), Christine Laurent, en tant que réalisatrice, est sensible au cinéma de son maître, comme à celui de Raoul Ruiz ou Manoel de Oliveira, cinéastes intemporels. Mais le sujet, une femme qui revendique sa liberté, a par contre bien des échos actuels.

Mon avis : Montevideo, 1914
Juste des maisons (celle des parents et celle du mari), des jardins extraordinaires, des décor de théâtre, très présent, un rideau qui sépare mais laisse également passer la lumière, dévoile...
Une jeune femme avec ses élans, sa folie, son talent, ses regrets, une mère à rejetter, un père amateur de tango, des amis, la visite du grand poète Rubén Dario...
La peinture et des compositions étudiées des personnages avec une lumière extrêmement travaillée sont là pour souligner les tourments et les sautes d'humeur d'un personnage qui apprivoise sa fougue et sa verve nocturne, en même temps qu'elle lutte avec le paraître, l'envie d'aimer... pas forcément de se marier dans une société qui la contraindra. La liberté sera plus forte mais à quel prix ?

Voici le lien avec le site du film : http://demain-lefilm.fr/

L’histoire de Delmira Agustini telle que je vous la présente est une fiction. J’ai inventé, j’ai interprété certains des instants qui bouleversent le cours de sa vie. J’ai voulu créer un monde lointain, où le passé, le présent et l’avenir pourraient s’articuler à l’écart des clichés.
L’enquête sur sa vie brève, et sa fin tragique a été reconduite à peu près tous les vingt ans, et étrangement, les points de vue et les conclusions, selon les préjugés et les méthodes des générations qui se succédaient, n’ont jamais été les mêmes. J’ai voulu, à mon tour apporter mon point de vue. J’ai voulu mettre en lumière des documents ou des indices qui sautaient aux yeux et que d’autres semblaient avoir passé sous silence.
Ce qui comptait pour moi c’est de débusquer la vérité romanesque de cette existence, au lieu de céder au mensonge romantique selon lequel il aurait été trop facile de l’interpréter.
Delmira semble décalée, parmi les quelques personnages exceptionnels et baroques qui croisent, puis bouleversent son existence. Elle rêve d’une autre vie, elle s’interroge sur la façon de l’obtenir.
Avant qu’elle ne rompe les amarres, elle traverse un monde de lenteur qu’elle tente parfois de brusquer par des élans encore enfantins. Elle est prise dans ses propres contradictions. Elle est amoureuse, mais le mariage la terrorise. Comment être plus libre ? Le paradoxe c’est qu’elle vit dans un pays qui se modernise à toute vitesse, par la volonté d’un gouvernement visionnaire, lequel impose une série de lois favorables à l’émancipation de tous, et des femmes en particulier.
Ces réformes tentaient de chambouler de fond en comble les rapports des hommes et des femmes dans toute la société. Au moment de son divorce, Delmira profitera de ces nouvelles lois.
Bien qu’enserrée dans carcan ultra provincial, bourgeois, nouveau riche, et bousculée par le bombardement de nouvelles libertés, l’histoire de Delmira telle que je la conçois n’est pas celle d’un destin, d’un fatum, qui l’aurait conduite inexorablement vers le fait-divers tragique.
Car il y a quelque chose d’inébranlable, une force de vie capable de toutes les résistances, chez cette jeune fille en train de devenir une femme qui se révèle dans l’écriture.
À partir du début, le temps incertain des fiançailles ponctué par les rencontres, les départs, le doute, la crise et le revirement, va accelerando jusqu’au mariage. On est alors au coeur d’un maelström. L’évènement crucial est tout à la fois : retour en arrière, changement de perspective et accélérateur irrépressible, jusqu’au précipité final. Dans la dernière partie, durant cette vie conjugale si brève, Delmira et Reyes s’engagent, chacun à sa façon, ils décident de leur propre mouvement. Et bien qu’ils agissent avec détermination, c’est sans aucune préméditation.
J’ai cherché résolument à tourner le dos à toute forme de pathos qui aurait pu s’immiscer dans un récit dont le fil de trame est l’acte d’écrire, et le fil de chaîne est la relation amoureuse.
Pourquoi cette histoire-là, à l’autre bout du monde, au début du XX°siècle ? Pour l’étrangeté de ses paradoxes. Pour la force de son scandale. Parce que l’élan de Delmira, laisse dans son sillage des particules réfléchissantes qui scintillent encore avec une rare intensité. Elle disparaît quelques jours avant la déclaration de la première guerre mondiale, et pourtant, son histoire traversera le temps et l’espace avec l’éclat d’un météore. Les questions qu’elle s’est posées sont audibles aujourd’hui avec encore plus d’acuité qu’en 1914. Faire l’amour. Ecrire. Être libre. Comment Delmira allait-elle résoudre cette moderne équation ?
Il s’agissait pour moi d’y répondre par style puisqu’il s’agit d’un personnage qui invente des agencements de rythmes faits de silences et de mots. Face à son dilemme, Delmira n’est pas seule. Celui qui l’aime éperdument tranchera la question par un double crime d’amour. Ne dit-on pas qu’un scandale n’arrive jamais seul ?
Christine Laurent

 Mes amours

Ils sont venus aujourd’hui.
Par tous les sentiers de la nuit, ils sont venus
Pleurer autour de mon lit.
Ils étaient tant, ils sont tant.
Je ne sais ceux qui vivent, je ne sais qui est mort.
Je pleurerai sur mon sort pour mieux les pleurer tous.
La nuit avale les sanglots comme un mouchoir noir.
Il y a des têtes dorées et mûries au soleil.
Il y a des têtes cernées d’ombre.
Des têtes couronnées d’épines,
Des têtes qui s’inclinent au-dessus de l’abîme,
Des têtes qui voudraient reposer sur le ciel.
Certaines ont du mal à respirer,
D’autres percent comme des timides fleurs d’hiver.
Toutes ces têtes me font mal comme des plaies.
Me font mal comme des morts.
Leurs yeux, ils me sont encore plus douloureux,
Ils sont doubles.
Indéfinis, verts, gris, bleus, noirs.
Ils transpercent. Ils caressent.
Constellation de l’enfer.
À leur lumière
Mon âme s’éclaire, mon corps se réveille.
J’ai soif de toutes ces bouches
Qui envahissent mon lit.
De toutes ces bouches où je pourrais aspirer la mort.
Et leurs mains,
Leurs caresses,
Elles se penchent sur mon lit.
Entre toutes les mains c’est ta main que j’ai cherchée
Ta bouche entre toutes les bouches,
Ton corps entre tous les corps ;
Je ne veux que tes yeux entre tous ces regards
Toi, tu es le plus triste, le plus aimé,
Venu de plus loin, tu es arrivé le premier.
Ta tête sombre que je n’ai jamais touchée,
Ton regard si longtemps attendu.
Viens à moi âme à âme.
Viens à moi corps à corps.
Tu me diras ce que tu as fait de mon premier soupir.
Tu me diras ce que tu as fait du désir d’un baiser.
Tu me diras si je t’ai manqué.
Tu me diras si tu n’es plus.
Si tu es mort,
Le chagrin envahira mes draps.
Je serrerai ton ombre contre moi
Jusqu’à ce que mon corps se disloque.
 Delmira Agustini

Il reste encore la possibilité de le voir dans ce cinéma
Jeudi 30 Août 2012     à 16h50 ( salle B )
Samedi 01 Septembre 2012     à 17h05 ( salle B )
Lundi 03 Septembre 2012     à 14h55 ( salle B )
et sans doute ailleurs en France.

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